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Le 28 juin 1992, six militantes lesbiennes new-yorkaises ont décidé de faire sortir leurs camarades de leur léthargie. « Lesbiennes! Gouines! Homosexuelles! Vous vous confinez dans un excès de prudence. Osez imaginer ce que vos vies pourraient être. Etes-vous prêtes à passer à l'action? » Elles sont des milliers à avoir répondu à l'appel. En 1993, vingt mille lesbiennes ont marché sur Washington. Le mouvement s'est étendu. D'abord à travers les Etats-Unis, puis au Canada, au Royaume-Uni, en Australie, en Irlande, en Allemagne, en France, elles ont fondé une soixantaine sections locales. En 1994, vingt mille lesbiennes ont manifesté dans les rues de New York dans le cadre de la première International Dyke March. Pour les Lesbian Avengers, ce succès prouve que le mouvement n'est pas un épiphénomène américain, mais un mouvement global. Actions
Les justicières lesbiennes ne formaient pas un groupe de discussion ou de théorisation tous azimuts. Ni non plus un groupe d'entraide. Leur mot d'ordre était l'action. Leur but revendiqué était d'enfin donner une visibilité aux lesbiennes et à leurs problèmes spécifiques.
Entre l'Hôtel Plaza et le Rockefeller Center, la 5e avenue est connue pour son enfilade de magasins de luxe. Un soir de novembre, les justicières prennent l'avenue d'assaut. Ici et là, elles allument des flambeaux. Des flammes que les policiers n'arrivent pas à étouffer. Elles tracent bravaches leur chemin jusqu'à un autel improvisé à la mémoire d'une jeune lesbienne noire et d'un homme gay de l'Oregon. Hattie Mae Cohens et Brian Mock venaient d'être tués par une bombe incendiaire lancée dans leur appartement par des skinheads.
À la Saint-Valentin à Bryant Park, les justicières placent une effigie en plâtre d'Alice B. Toklas près de la statue en bronze de Gertrude Stein. Une fête autour du couple mythique enfin réuni s'organise. Une vraie célébration de la Saint Valentin pour les femmes qui aiment les femmes.
Images et médias
L'utilisation des médias était clé dans la lutte des justicières pour le respect et la visibilité des lesbiennes. Un article a décrit la stratégie du tout action des Lesbian Avengers comme «une panoplie de contestation formée pour attirer l'attention des médias sur la cause lesbienne. » De fait, elles ont sciemment conçu leurs actions pour produire un impact visuel maximal. Il s'agissait toujours d'avoir des militantes photographes et vidéastes sur place pour filmer les événements et transmettre des images aux grands médias. Elles avaient formé des comités spécifiques pour la communication et la «propagande».
Des tracts aux manifestes, tout était conçu pour exprimer le mélange de rage et d'humour qui les caractérisait. Pas seulement à usage externe. Leur objectif était de devenir visibles dans la société et de changer les stéréotypes sur les lesbiennes, elles travaillaient aussi dur pour changer la façon dont les lesbiennes se voyaient elles-mêmes.
Le style de leurs bulletins d'information et de communiqués a donné à leur activisme un côté ludique. Sur le ton de «regardez ce qu'on arrive à faire, et regardez comment on se marre.» Les fêtes des justicières ont permis non seulement de récolter des fonds, mais surtout de faire voler en éclats l'image stéréotypée des lesbiennes en pots de fleurs asexuées ou en perverses honteuses. Sur leurs flyers pour les fêtes montrant des icônes de la blaxploitation comme Pam Grier avec un fusil, ou des femmes au foyer en tablier avec une bombe sur un plateau en guise de gâteau, les justicières propageaient l'idée que les lesbiennes n'ont pas à avoir honte de leur colère, de leurs éclats et de leurs désirs.
Bien avant YouTube, les justicières étaient aussi des pionnières des vidéos do it yourself. Comme le groupe n'était pas satisfait de leur couverture par les médias traditionnels, les justicières Ana Simo, Linda Chapman, et Marie Patierno ont co-fondé Dyke TV, une émission de télé qui a fini par passer sur des télés publiques de tous les Etats-Unis.
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